La course à pied occupe au Kenya une place de choix : elle apparaît dans les tous premiers titres des journaux sportif, presque à égal avec le foot (en réalité, quand on parle de foot, on parle ici de premier league anglaise, et notamment d’Arsenal. Arsene Wenger a une stature de grand marabou du football au Kenya, allez savoir pourquoi!).
La course à pied, entre le 800 mètres et le marathon, c’est le domaine d’excellence des Kenyans. Nous apprécions que les kenyans avec le plus de prédispositions appartiennent à la tribu des Kalenjins, qui se subdivise en plusieurs sous groupe que nous n’avons pas encore appris. Mais pour percer, il faut s’entrainer, s’entrainer et s’entrainer.
Nous avons eu la chance (et le courage) de visiter la Mecque de la course à pied : Iten.
Niché au bord des falaises bordant la vallée du Rift, sur le côté occidental, ce gros village dispose d’un climat idéal (sec et de températures modérées voire fraîches la nuit), d’un maraîchage florissant (nous goûtons des ananas et des mangues délicieuses!), d’une taille modeste et donc d’un trafic routier raisonnable. Mais il y a aussi un esprit qui habite tout sportif kenyan : il doit venir à Iten. Ici, à Iten, vous croisez des athlètes. C’est une chose sérieuse : un athlète s’investit complètement pour tenter de gagner sa vie de par ses performances. C’est un pari risqué, bien sûr : quelle assurance en cas de blessure, quelle solidarité dans les équipes formées si les performances ne sont pas au rendez-vous ? Mais pour les kenyans qui le choisissent, le jeu en vaut la chandelle. Bien sûr, quelques uns ont un cadre d’entrainement avec un métier (Policier, force de sécurité, etc…). Mais la grande majorité vient à Iten sans filet. Juste la hargne de s’en sortir.
Nous croisons les « Kenyans Riders », équipe de cyclistes sur route. Nous croisons une championne d’Europe (Turque) de cross country venue en préparation durant 4 mois ici, seule. Nous croisons quelques athlètes français dont internet m’aidera à vous indiquer le nom, ainsi que d’autres européens. Nous assistons à Eldoret, 30 km plus bas, à un 20 km loisir organisé par Nike. Le plateau est relevé, le finish en duel acharné !
Pour en savoir plus sur ces sportif à Iten, je vous revoie au livre de A. Finn (cf. bibliographie).
Bref, je le sens pousser des ailes ici ! Nous arrivons vendredi après-midi. J’ouvre les yeux, mais aucun coureur en vue. Ils doivent encore se reposer pour ne sortir à nouveau (après leur entraînement du matin) vers le coucher du soleil. Mais le soir encore, nous ne croisons pas de fondeur. Iten est-elle bien encore Iten ?
Je décide de me lever à 5h40 le lendemain pour prospecter vers les 6 heures, horaire habituel d’après mes informations de début d’entraînement des athlètes. Pourquoi pas courir avec un kenyan ? C’est mon caprice.
5H55, je sors de l’hôtel, réveille le gardien pour qu’il m’ouvre le portail. Je suis seul, il fait nuit noire, l’air est frais. L’oeil amusé du gardien me voyant basket/short me fait cogiter…
Je rejoins la route et aperçois un premier coureur dans la lumière des quelques lampadaires. Il est déjà loin. Je me position à l’intersection des deux seules routes goudronnées du village. Un coureur surgit derrière moi, pas le temps de l’attraper au vol. Enfin, au quatrième, je m’élance vers lui et dans un anglais approximatif lui demande de si je peux me joindre à lui sans que cela le gêne. Il me dit « ok, c’est pour moi une course de récupération ». Je m’accroche au wagon !
Nous partons sur la route, quittons la partie éclairée. Il m’indique où se situe les dos d’ânes. Les phares d’un tracteur partant au champs nous éblouissent. Ça y est, nous virons à gauche sur une piste. Profil descendant, nous allons à une allure dynamique, mais rien d’extraordinaire. Nous parlons beaucoup. Mon compagnon s’appelle Edwin. Il est spécialisé sur les courses de route entre 10 et 21 km. Sa sœur est apparemment en France, mais il n’a pas de nouvelle. Il s’entraîne dur la semaine et le dimanche, il rentre voir sa femme et sa fille qui habitent dans une autre ville. Il me dit préparer une tournée en Europe, s’il est sélectionné bien sur dans son équipe.
Le jour se lève peu à peu. Nous sommes dépassés par quelques coureurs (hommes et femmes), nous en croisons d’autres. Aucun bonjour entre eux. Edwin m’indique : « nous nous connaissons presque tous, mais quand nous courons, nous nous y consacrons entièrement ». Hum, je dois donc lui imposer une torture avec mes questions !!
Le soleil est maintenant levé, je le découvre complètement. Visage fin, stature élancée. Il a tout du kenyan, du Kalenjin !
Nous arrivons à une mare, je comprends que c’est le point bas du parcours. Nous commençons à remonter. Rien de méchant, mais je me tends irrésistiblement. Le souffle plus court, les jambes plus lourdes. Il me demande maintenant si ça va. Je m’obstine à lui dire oui. L’heure passe. Par honneur (stupide!) je me refuse à lui demander si c’est bientôt fini !! Mais je compte les minutes… Chaque bosse me rappelle que nous sommes à 2 400 mètres d’altitude ! Et le bon plat de bœuf grillé mais terriblement salé d’hier me donne très soif à présent. Il le comprend rapidement dans mon regard. « Nous sommes presque arrivés » me lance-t-il avant la dernière montée. Effectivement, nous rattrapons la route pour retrouver le village.
Encore merci Edwin pour cette belle expérience… et à bientôt j’espère !
Statistiques de la course :
- 18,7 km parcourus
- 1h29 minutes
- 12,5 km/h de moyenne
- dénivelé positif 400 m
- altitude maximale : 2 400 mètres.
La recette tant mystérieuse de “Comment calmer Jean” est enfin trouvée !!!!!
Il faut donc que tu traverses la moitié du Kenya en Vélo, que tu te lèves à 5h00 du matin pour aller faire un footing de 1h30 à 2400m d’altitude avec Edwin le spécialiste des 10-21km….
Ok, c’est improbable mais c’est noté ! 🙂
Merci Edwin !
Bravo Jean! On t’inscrit aux prochains JO av Edwin alors?
Super recit en ce lundi matin avant de partir au boulot!
Bravo les champions!
Isa
Magnifique !
Simplement merci .
Et bon courage pour la suite.
A chaque lecture de votre journal de bord, un réel plaisir m’envahit. Merci pour vos commentaires très instructifs, enthousiastes et chaleureux. Merci pour les superbes photos qui nous font partager ce que vous découvrez. Je suis sincèrement admirative.
Au grand plaisir de vous lire à nouveau
Bise
Caroline Pasquier
Votre blog est superbe, ça fait rêver,
Merci beaucoup de partager photos et récits !
Bon courage pour le pédalage !!
Bises
En tout cas, il est drôlement beau Edwin!
C’est Amandine qui vous prend en photo?
alors Jean on défi un kényan !! Bravo pour les prouesses la course le vélo !! Que d’expériences enrichissantes ,
je fais suivre vos aventures à Léon qui à chaque fois qu’il voit des gens courir me demande ” mais pourquoi il court maman ?? ” Ça n’a pas raté avec ce post la ! Faudra que tu lui explique Jean.
Un bisou à Amandine.
Tu as raison Camillou. La recette est trouvé pour calmer Jean.
Mais dis moi, faudra t il que notre Amandine s’installe à Iten pour rester avec son Jean ?
dur dur le retour au village moi aussi je crevais de soif……………..
je m y croyais…………
super votre blog
biz
Le surnom du kenyan blanc n’était donc pas usurpé ! Continuez à nous faire rêver avec le récit de votre périple, c’est une vraie bouffée d’oxygène pour nous, pauvres hères perdus dans le froid et le brouillard des provinces de France et de Navarre, forçats du vélib’ et ne pouvant compter que sur les pigeons parisiens pour agrémenter notre safari quotidien 😉
18.7 km parcourus en 1h29 ! et ceci à 2400 mètre d’altitude !!!
Je dis Monsieur la 🙂