Du 5 au 15 mai
Le vélo, le plus encombrant, c’est quand on n’est pas dessus ! Autant le voyage en vélo est affaire d’épurement, autant la gestion des vélos dans d’autres moyens de transport est d’une véritable pesanteur logistique.
Deux trajets en avion nous attendent: Nampula → Maputo puis, une semaine plus tard le retour depuis Maputo en France (enfin, pour Amandine).
Le premier nous permet d’éprouver la « mozambiquité », la vraie. Elle commence au « terminal de fret » (ou terminal de carga pour les lusophones). Un univers kafkaïen où par principe, le préposé à telle tâche ne connaît absolument rien des modalités de son collègue, fut-il son voisin. Le vendeur de billet d’avion ne connaît nullement les conditions du fret. Le préposé au paiement du fret n’a nulle idée des taxes d’aéroport qui s’appliquent, en sus, aux colis qu’il vient de facturer. Le responsable de la perception des taxes aéroportuaires n’a fichtre information sur les conditions de stockage dans l’entrepôt de l’aéroport.
Bref, en Afrique, il faut de l’argent, mais aussi du temps ! L’important, c’est de nouer contact. Et pas au téléphone, encore moins par mail. Le contact, le vrai, c’est plus charnel, plus visuel. Il faut être là, c’est ce qui compte.
Et la taille du bagage contenant les vélos ? Selon l’interlocuteur, tantôt les vélos arriveront bien en France tantôt ils ne partiront pas du tarmac du Mozambique.
Les uns (Monsieur Air France) nous intiment de ne pas dépasser le fameux 175x23x100 cm. Or notre malle, 124x38x68 est totalement hors format (sic). Mais le principal du vol est opéré par Kenya Airways. Monsieur Kenya Airways a un autre son de cloche. « C’est un gros avion ! » Puis, en français dans le texte : « Il n’y a pas de problème ! ». 50 mètres plus loin, hors de la boutique mais face aux guichets d’embarquement, monsieur Kenya Airways bis : « nous n’acceptons aucune malle de plus de 32 kg ». Or, avec nos deux vélos et notre boîte en contreplaquée, cela dépasse les 40 !
Bref, ça emballe, ça déballe, ça charrie, ça chipote. Nous naviguons à vue au sein d’un Mozambique insondable, tel une petite boutre, au gré des vents dominants transportant chacun leur lots d’informations, leurs agents plus ou moins compréhensifs et aidant, leur rigidité toute malléable.
Scène finale à l’aéroport de Maputo ce matin. Nous avions passé l’après-midi lundi dernier à obtenir un devis pour anticiper le prix du stationnement de notre caisse à vélo pendant une semaine dans l’entrepôt. Des trésors de patience, de palabres, d’ingéniosité pour que l’ordinateur crache son devis. Il y avait quelque chose de magique : “dimanche, nous verrons. On mettra la date et l’ordinateur dira le prix!”. Oui mais combien ? “Oh pas beaucoup”… On y arrive finalement à la faire cette simulation. 1168,50 MTN, pas moins, pas plus (environ 20 €). Nous regagnons la ville de Maputo lundi dernier avec cette recommandation : “Surtout, dimanche à votre retour, montrez ce devis!”.
Nous revoilà dimanche, ambiance plus sereine. Pas d’avion de fret aujourd’hui? Au moment de retirer notre caisse à vélo de l’entrepôt de l’aéroport, le manutentionnaire nous dit : “c’est 200 MTN pour la manœuvre. Et puis rajoutez un peu pour moi, j’ai surveillé votre caisse toute la semaine quand même!”. Nous laissons deux fois 200 MTN. L’économie est substantielle : 768,50 MTN. Ou comment, en Afrique, provisionner un budget est tâche compliquée…
Avec pour arrière plan la gestion des vélos, nous nous frottons au meilleur et au pire de l’humanité. Côté pile, Adolfo, dont j’ai omis les délicatesses dans mon dernier article. Le décors est un beau milieu de journée en plein bush mozambicain. Nous avions fort à faire avec une rude montée à appuyer sur nos pédales. Une petite voiture (assez étrange pour être remarquée, seuls les 4×4 sont normalement utilisés ici), nous dépasse, hésite, freine, s’arrête. En sort un homme, seul, short à fleur et haut blanc. Il nous attend. A notre arrivée, il nous recouvre, par cette chaleur, des meilleures qualités. Il conclut par « Que puis-je faire pour vous aider ? ». Nous nous questionnons l’un l’autre avec les yeux. « Ben, à boire, de l’eau ! » fis-je après un silence hésitant. Mais Adolfo se promène sans rien dans sa voiture. Qu’à cela ne tienne, il détale illico. 45 minutes plus tard, il revient, une bouteille d’eau glacée pour chacun… plus un beau régime d’environ 15 bananes !! Pas le temps de le remercier, ni de prendre une photo, il part aussi vite qu’il est arrivé.
Coté face, des voyous de Nampula qui, profitant d’une discussion passionnée avec un vendeur de concombre pour qu’il accepte de nous vendre ses marchandises par demi-kilo et non par kilo entier, m’arrachent le porte- monnaie des mains. Je m’ élance à la poursuite du voleur, puis m’aperçois que ses mains sont vides. Il a repassé le bébé à un complice dans la rue. Je me retourne mais trop tard, comment reconnaître le complice ? Y-en a t-il qu’un ? Bref, 80 euros de perdu pour un demi kilo de concombre finalement non acheté… Le vendeur repart penaud, moi encore plus.
Dans notre cœur, cette ville remonte un peu une semaine plus tard, grâce au message de Flora sur la page facebook du blog « on aime nos vélos ». Elle nous annonce qu’elle a retrouvé la carte VISA nichée dans les sous volés. De lien en lien internet, elle nous a retrouvés, juste avec mon nom au départ. Bravo et merci!
Et puis ces quelques jours nous ont fait découvrir la ville qui se prend pour une grande,qui se compare aux mythes : Maputo, ou la New-York de l’Afrique. Nichée sur le promontoire qui marque la rupture entre la baie de Quatembé et l’Océan, Maputo dresse ses tours, fières ou décrépies, rutilantes ou fatiguées. De loin, l’impression est saisissante. Dedans, cette ville est plus opulente que DAR-ES-SALAAM ou NAIROBI. L’Afrique du Sud n’est pas loin, le gaz et pétrole du nord du pays font des petits ici. Le bouillonnement économique, dont l’écho retentit dans tous les guides et présentations du Mozambique, fait monter les programmes immobiliers, émerger les hôtels de luxes, empiler les bureaux et autres manifestations de pouvoir économique. Un pont est jeté en travers de la baie de Quatembé.
Cette frénésie laisse pourtant une amertume ironique à beaucoup de mozambicains. Ces derniers ont lutté avec un idéal d’inspiration communiste à l’indépendance (1975), l’égalité et l’éducation prenaient bonne place dans les préoccupations d’une nation à construire. Héritage indéniable, nos pieds nous guident entre les rues Karl Marx, Vladimir Lénine, Mao Tsé Toung. Enfin, le socialisme à l’africaine, c’est l’art de la synthèse. La rue parallèle à Karl Marx porte le doux nom de rue de la foi. Que reste-t-il aujourd’hui de cette volonté d’avancer ensemble? Le président est décrédibilisé par son appétit personnel pour l’argent. Entre MAPUTO et les provinces du nord du MOZAMBIQUE, des milliers de kilomètres. Mais également des années d’investissement et de développement. Bref, la mécanique de redistribution semble toussoter, le désamour est perceptible.
Enfin, ce dimanche 15 (nous sommes dans le quasi-réel, #onaimenosvelos, #aéroportmaputo), nous prenons avec Amandine des routes différentes : elle retourne dans cette bonne vieille Europe, je poursuis en Afrique pour quelques semaines, direction Namibie. L’important est que nous nous retrouvons ensuite à Lyon, ensemble, puisque Amandine s’y installe pour de bon !Youpi !
Il nous reste à « clôturer » ce blog, dommage… enfin, jusqu’à sa renaissance pour le prochain voyage !
Nous avons mis à jour la bibliographie, avec deux ouvrages de Mia Couto.
Nous souhaitions remettre le prix du grand vainqueur des followers de ce blog, Miss Quiniou ! On a pensé à un petit cadeau : 2 beaux t-shirt de couleur plutôt claire. Leur grand avantage est leurs manches de 15 cm plus longues que la taille, idéal les jours de froid et grand vent quand le nez coule.
Et pour tous ceux qui ont marqué un petit mot ou plus, merci, merci encore ! Il y a toujours un moment de doute dans ces « grands » voyages, et vos pensées nous ont aidés. Comme petit geste en retour, nous avons pensé à rédiger un petit guide « à faire / à ne pas faire » des lieux de notre voyage. Cela pourra peut-être vous servir, si vos pas vous y mènent à tout hasard. Nous l’adresserons par mail dès que finalisé.
A bientôt!
J en pleurerai presque tellement l émotion est intense! (De la fin du voyage….)
Les vélos montés c est qd même plus classe! Les pauvres……..
confirmation pour Jean : y a qq chose dans ton écriture. ……
bon courage à Amandine pour la reprise lyonnaise…..
Vousaimezvosvelos et onvousaimeaussi…..
Pour cette belle route……..
Je viens de lire votre blog d un trait, entrecoupé d une petite nuit de sommeil. Bravo a vous. Vous avez vécu et nous avez fait vivre une fantastique aventure. Bon retour Amandine. Peut être qu on se croisera maintenant chez nos parents a Montpellier puisque ce ne sera plus ni betc ni même paris. Bon repos !!
Quelle fin intense c’est triste et gai a la fois Fin de voyage mais on vous voit revenir vers nous Bravo les vélos bravo a vous pour ce partage quotidien de vos aventures qui nous tenait tant en haleine! Moth moth avec 3 dents en moins!
Noooon pas déjà!!! C’était trop bien, même par procuration 🙂 Hâte de vous revoir à Lyon (youpi!)
François et Marie
j’avais pas réalisé que vous deviez démembrer vos vélos pour le transport en avion…!
La fin d’une belle aventure, sportive, humaine et culturelle, bravo à tous les deux! Et bravo pour le blog, un plaisir à lire, tres bien ecrit, informatif et avec des anecdotes et plein de photos, trop cool! Bon courage pour la reprise 😉 Vous irez au boulot à vélo?
Alors ici s’achève donc l’aventure ,.. :/
Belle aventure, belle plume et beau couple.
merci pour le partage et cette bonne humeur 🙂
J’espère à bientôt