21/22 avril 2016
Comme l’a bien décrit Jean dans un précédent article, les pensions/guest house sont ici, au Mozambique, beaucoup plus rares qu’en Tanzanie ou au Kenya. Certains villages sont composés de quelques cases uniquement… parfois 1 ou 2 commerces… et des familles entières qui vendent le fruit de leur travail au bord de la route : charbon, courges, nattes tissées (utilisées comme tapis, dedans ou dehors, pour manger/dormir/faire sécher le maïs etc…), mais pas de quoi loger « officiellement » un voyageur de passage.
Notre quittons MACOMIA ce matin là en ne sachant pas vraiment quel point de chute nous pourrons trouver le soir même… Nous savons que la route traverse le parc national des Quirimbas, quelques villages sont malgré tout indiqués sur notre carte, mais ne sont pas les mêmes que ce que nous trouvons sur les cartes que nous consultons sur internet. On sait en général que les croisements de routes principales nous permettent de trouver de quoi nous restaurer et dormir ; mais là le prochain se trouve à la sortie du parc, à 120 km. Ça s’annonce long, dans ces montagnes russes mozambicaines !
Nous peinons effectivement à boucler nos 50 premiers kilomètres en presque 5 heures. Les herbes hautes de chaque côté de la route étroite nous bouchent complètement la vue, nous ne pouvons que nous concentrer sur la montée, la descente, la montééée, la descente, la monnnntéééééééééée, la descente…Seules quelques orchidées sauvages viennent égayer le paysage. A la pause déjeuner, on s’installe sous un arbre et bientôt un pick up s’arrête à notre hauteur. Questions habituelles : « vous venez d’où ? Vous allez où ? Mais EN VELO??!! » Les deux comparses nous confirment également que la prochaine pension est inatteignable pour nous dans la journée. Question bonus : « mais vous n’avez pas peur ?! » « peur de quoi ? », « Des animaux !! faites attention il y en a plein ici, il y a même des lions… ». Bon, certes, ce doit être un peu exagéré, mais cela nous ôte l’envie de tenter quelconque camping sauvage dans les parages.
A l’approche du 80eme kilomètre, j’ai déjà perdu Jean depuis longtemps et celui-ci roule 5 min devant moi. Un homme qui s’affaire sur son bois lève même la tête à mon passage pour me lancer un « hé, ton mari s’est enfui »!, je le rattrape enfin alors qu’il est occupé à discuter avec un groupe de villageois au bord de la route. Il me signale que ce groupe est fort sympathique et qu’une mama lui a déjà offert un morceau à manger, contre un peu de sa bouteille d’eau. A voir ma mine épuisée, Jean insiste pour que l’on réponde favorablement à l’invitation de cette même mama, Zura, à se reposer chez eux ; elle nous propose même de prendre une douche, en montrant d’un air dégoûtée mon Tshirt blanc-sale. Nous voilà donc entourés de 30 enfants et une dizaine d’adultes, invités à s’allonger sur une paillasse sous un gros manguier. La communication se limite assez vite, car nos hôtes ne parlent en fait pas le portugais mais le Macua ; langue de leur tribu qui ressemble un peu au Kiswahili. On nous avait effectivement déjà dit que, même si la langue officielle du Mozambique est le portugais, on rencontre souvent dans les milieux ruraux, des personnes n’ayant pas été à l’école, qui ne parlent que la langue de leur tribu.
On observe… tout autant que l’on est observée. Zura a une petite fille de 4 mois, Rabia, dont elle s’occupe beaucoup. On nous offre rapidement des cacahuètes fraîches à grignoter. Puis l’appel du foot est plus fort, les garçons partent tâter le ballon derrière les maisons avec Jean alors que je reste avec les femmes et les petites filles. Le soleil commence à se coucher, la vue est magnifique, avec au loin quelques « pains de sucre » qui se dessinent dans le couchant. Nous prenons une « douche » en plein air caché derrière quelques bambous et un paréo tendu (pile dans l’axe des cages du terrain de foot, heureusement qu’il n’y a pas eu de but). Nous avons un fond de seau d’eau à se partager, mais c’est déjà pas mal et ça permet de se débarrasser du gros de crème solaire/sable/transpiration que nous avons accumulé. En voyant ma boite à savon, Zura me fait comprendre qu’elle aimerait bien en avoir pour son bébé… heureusement j’ai depuis le début pillé les guest houses et amassé un bon nombre de petites savonnettes. J’ai donc pu lui laisser une partie de ma réserve !
La nuit tombe vite, mais la pleine lune nous éclaire et nous n’avons pratiquement pas besoin des quelques lampes torches qui circulent. Zura commence alors à nous présenter sa farandole de plats (elle avait promis de cuisiner pour nous!) : pour nous faire patienter, et après les cacahuètes, nous avons droit à des petits sachets fluos de gâteaux sec fourrés soit disant à la fraise… ensuite, feijao jugo, des graines qu’il faut enlever de leur enveloppe avant de les manger, ça ressemble beaucoup aux pois chiches, on adore! Le gros rigolo du village nous confirme d’ailleurs la ressemblance entre ces 2 graines en nous mimant les flatulences qu’elles pourraient engendrer. Puis nous avons droit à des fèves, accompagnées de feuilles de Manioc bouillies… ensuite, Xima (=équivalent de l’ugali, avec de la farine de manioc) trempée dans son bouillon de poisson et accompagné de gombos (légumes verts qui deviennent tout gluant en cuisant). Zura nous donne à chaque fois une grosse part du plat commun et répartit le reste entre elles et ses 4 enfants. Il fait de plus en plus nuit, et les voisins nous rejoignent un à un avec leurs propres gamelles et leurs enfants, pour manger à côté de nous. Plus on est de fous… On à même droit à des morceaux de canne à sucre pour le dessert ! C’est la fête, tous les enfants y ont aussi droit. Et alors que l’on pensait que c’était l’heure de se brosser les dents, BIM, un plat de riz rien que pour nous.
Après le repas, nous avons droit à une session « clip musicaux » des derniers tubes mozambicains, sur un petit écran de téléphone prêté par le voisin. Les 30 enfants se tiennent toujours derrière nous pour apercevoir les images et se trémousser sur la musique… Et oui, pas d’eau courante, pas d’électricité, mais toujours un relai téléphonique pas loin, voir même la 3G!
C’est donc repus et divertis que nous rejoignons notre tente, plantée à côté de la maison sous un manguier. Un vrai coucher de roi, tout le village y assiste.
Après une bonne nuit au frais, Zura flanquée de bébé Rabia, me cueille au saut du lit thermarest à 5h30 pour aller chercher l’eau. Nous voilà parties à travers les champs de Manioc avec nos seaux. Je m’attends à une rivière ou un puits, mais, au bout de 5 minutes, c’est devant une petite flaque creusée au milieu des plants de manioc que nous nous arrêtons. Je comprends que c’est une sorte de source puisque la flaque ne « désemplit » pas, même après que nous ayons rempli nos seaux. Deux autres femmes sont déjà là, à remplir leur propre seau ou à faire leur lessive, au niveau d’un autre point d’eau un peu plus loin. Je comprends que c’est aussi la « salle de bain » des femmes, puisque Zura s’éclipse pour aller se laver un peu plus loin, Rabia toujours sur son dos.
Puis vient le passage délicat, il faut remonter les seaux d’eau à la maison. Zura me pare d’un tissu replié sur la tête, pour m’aider à le porter élégamment comme elle. Sa copine l’aide à hisser le seau de 10L sur ma tête. Je sens alors mes cervicales se tasser une à une sous le poids, et j’ai l’impression que mon crâne s’écrase… j’ai alors une pensée pour ma chère mère qui m’a mobilisé tant de fois ces vertèbres que je me coince fréquemment et me dit qu’elle aura encore du travail à mon retour. Zura et sa copine ont sans doute perçu à l’œil nu le tassement vertébral qui s’opérait et je n’ai pas fait 3 pas, maintenant tant bien que mal le seau sur ma tête, qu’elles ouvrent de grands yeux affolés et m’ordonnent de reposer ça tout de suite. Bon, je crois que je n’étais pas assez élégante. Blessée dans mon égo, je décide de remonter le seau en le portant à bout de bras. Beaucoup trop lourd . Je fais 3 mètres supplémentaires en faisant tomber la moitié de l’eau, et Zura me dit de le laisser la. Je remonte, penaude, suivie de Zura, portant Rabia et son seau. Mais au moins, je les aurai fait rire! Je peux maintenant l’affirmer, ces femmes, et ces petites filles, qui portent sur le crâne seaux d’eau, fagots de bois, paniers de maïs, de courges, de bananes… sont des athlètes!
Jean a eu le temps de ranger tout notre bazard avant que tout le village ne se rassemble devant la tente… nous bouclons les sacoches et remercions nos hôtes chaleureusement, y ajoutant quelques euros de « dédommagement ». Bébé Rabia est déjà dans une bassine en train d’être savonnée vigoureusement. Bien sûr, tous les enfants sont là pour suivre notre départ…
Bye bye les macuas !!!
Quel courage . C’est surement ça la vraie connaissance . chapeau !!!
Bisous et à demain , on attend la suite avec impatience !
J’ai A-DO-RÉ ton article Mandine! On s’y croirait 🙂
super l étape chez les Macuas et respect aux femmes !
Super récit Mamandine! Ça va les cervicales?
ce qui m étonne le plus c’est que malgré toutes les épreuves physiques Amandine
a toujours l’air fraiche comme une rose!!!
Je suis persuadée que ces femmes souffrent moins des cervicales que nous, enfermés que nous sommes dans notre vie trop sédentaire . L’autograndissement actif étant trés bénéfique pour le rachis nous avons compris ce qu’il nous reste à faire !
C’est vrai que mon Amandine parait toujours en forme malgré les difficultés . BRAVO à vous deux.
” Nous prenons une « douche » en plein air caché derrière quelques bambous et un paréo tendu (pile dans l’axe des cages du terrain de foot, heureusement qu’il n’y a pas eu de but”
Trop bon, ..pliez de rire