Étapes de montagne et rencontres de bord de route

04 et 05 Février 2016

On a tous déjà entendu parler des « hauts plateaux Kenyans »…. mes cuisses les ont effectivement trouvés très hauts. Des routes sinueuses et des dénivelés qui peuvent rivaliser avec nos cols pyrénéens ou alpins .

Nous quittons la chaleur du lac Baringo et de Marigat pour nous élever vers Kabernet, notre destination du soir. Effectivement, ça monte ! C’est dur, mais plus on avance, et plus une douce brise agréable vient nous « rafraîchir ». La route est toute neuve, toute lisse, avec très peu de circulation, un paradis pour les cyclistes. Ici encore, pas mal de monde au bord des routes. Mais c’est pour couper/ramasser du bois et le vendre. Ce bois va servir à chauffer l’eau, cuisiner, faire du charbon… Lors d’une pause, un jeune vient nous aborder dans un anglais parfait. Il est en train de couper du bois et profite de notre présence pour prendre aussi sa pause. Il nous explique qu’il est diplômé, mais qu’à cause de la corruption de son gouvernement, sans « connaître personne », c’est très dur pour lui de trouver un travail, et que c’est pour ça qu’il est là. On sent qu’il en a après cette corruption, mais qu’il est plein de courage et qu’il ne baisse pas les bras pour autant. Il nous dit que les Kenyans s’en sortent toujours !

Pour la pause pique-nique, on trouve un grand arbre avec une belle ombre ; on s’arrête un peu après un village pour être plus « tranquilles ». Sans le savoir, nous nous sommes arrêtés juste en dessous d’une école. GROSSE ERREUR. Quelques gamins passent par là, un peu craintifs, peu osent passer devant nous et restent bloqués d’un côté du chemin. Les plus téméraires font des aller retours. Mais petit à petit, on comprend que toute l’école est au courant de notre présence. De nombreux enfants nous rejoignent, 5, 10, 15, on se retrouve avec plus d’une cinquantaine d’enfants en face de nous. À chaque mouvement de Jean, ils partent en courant en criant « MUZUNGUS !! » et en riant, puis reviennent petit à petit se poster en face de nous. Quelques « where are you from ?» / « What is your name ?» fusent, mais pas plus…S’installe un silence gênant. C’est assez intimidant de se retrouver comme ça, face à une assemblée d’enfants qui vous dévisagent. On a l’impression de les amuser, les intriguer, mais aussi leur faire peur. Au bout d’un moment, je leur demande si ils connaissent une chanson et s’ils veulent la chanter pour nous. Ils me disent « oui oui ». Je lance le départ : « 1, 2 3! » mais ils pouffent et n’arrivent pas à se lancer. Il nous demandent de commencer.

Bon alors maintenant, tous les deux, face aux 60 membres du jury de la nouvelle star, qu’est ce qu’on chante ? Allez, on représente la France, on se lance avec LA MARSEILLAISE. Gros succès, applaudissements, mais aussi quelques moqueries, si si , j’ai entendu. Du coup, ça brise la glace et ils enchaînent avec 2 chansons en anglais, ça me donne un petit frisson ce cœur de 50 enfants ! Après ça, les langues se délient et ils posent un peu plus de questions. Mais on sent qu’ils ne vont pas nous lâcher pour retourner en classe. Ils nous demandent de faire du vélo pour voir ce que ça donne (nos vélos et nos grosses sacoches les intriguaient au moins autant que nous). C’est peut être le moment de partir… On n’ose pas sortir l’appareil photo. Non pas qu’on craigne un vol, on a très vite vu qu’ils n’osaient rien toucher et qu’ils ne nous prendraient jamais rien… mais c’est plutôt que ça risquerait de les exciter encore comme des fous. On enfourche nos vélos, on sait qu’ils vont nous suivre en courant, je sors l’appareil pour faire une photo au dernier moment de Jean, devant moi, avec la horde d’enfants, mais c’est à ce moment là qu’ils commencent à toucher mes mollets blancs ! Tous me courent maintenant après pour me toucher les mollets !! je pédale vite pour me dégager de ces chatouilles et rate ma photo. Tant pis. Les plus grands courent un moment à côté de nous, on leur fait au revoir d’un signe de la main… Ouf on s’en est sortis;)

Comme il fait encore très chaud, on trouve un autre arbre, éloigné de toute école, pour se reposer encore un peu avant d’amorcer la grosse dernière montée jusqu’à Kabernet.

On se réhydrate à l’ombre.

Arrive Denis, un jeune d’environ 18 ans qui s’assoie à côté de Jean et qui le regarde écrire dans son carnet de bord. J’ai l’impression d’assister à la scène du Petit Prince quand ce dernier apprivoise le renard. Petit à petit, au grès des questions, ils font connaissance et se rapprochent. Denis fini par corriger les fautes de Jean des mots inscrits dans son carnet en Swahili. Nous décidons de repartir . Ça monte beaucoup. On va aussi vite (voir moins vite) que Denis qui marche à côté de nous. Il nous explique qu’il fait la route tous les jours à pied pour aller à l’école et qu’il se lève du coup à 3h du matin ! Pourquoi ne va-t-il pas à l’école plus près ? Parce que c’est trop cher voyons ! Il veut être psychologue et nous explique qu’il va tout donner pour y arriver ! J’admire le courage, la détermination, l’espoir chez ces jeunes Kenyans….

Il nous suit jusqu’à chez lui, soit environ 1 heure de montée raide ! Sur le chemin il nous montre les femmes qui transforment le bois en charbon dans des sortes de fours creusés dans la terre, au bord de la route. Il s’amuse aussi à pousser nos vélos en courant ! Il a une force impressionnante. Ça m’aide vraiment à franchir ce passage difficile. Il est vraiment trop gentil. Il nous dit, « la prochaine fois que vous passerez par là, je vous inviterai à boire un coup chez moi ». On le laisse en lui souhaitant bonne chance pour la suite et en le remerciant encore pour le coup de main .

Denis
Denis, mon sauveur des hauteurs

Je dois maintenant continuer à monter sans mon petit moteur. Je m’arrête sans cesse pour boire, et reprendre des forces. La fin est laborieuse, je n’en peux plus. En plus, la grande montée raide, mais plutôt régulière se transforme en colline qui enchaînent les montées descentes, de quoi finir de vous casser les jambes. Les enfants qui marchent au bord de la route vont plus vite que moi et se moquent carrément. Ça n’aide pas !

On arrive enfin à Kabernet. On sent que c’est une ville plus riche. Plus de bâtiments, gens en costumes, enfants aux uniformes propres et non troués… mais qui nous demandent de l’argent ou un bonbon ! Cela me choque que cela vienne justement des enfants qui paraissent les plus « riches ».

Kabernet
Kabernet, enfin!

Les hôtels ici sont plus chers aussi, décidément ! On finit quand même par trouver quelque chose, mais c’est sale et l’eau est coupée. Décidément, l’ambiance de Kabernet ne nous séduit pas des masses. On reprend donc des forces ici, après une grosse journée et plus de 1000m dénivelé, mais nous sommes contents de repartir dès le lendemain direction Iten.

On démarre notre journée par une grosse descente de 10KM. De quoi bien commencer ! On arrive dans la Kerio Valley, et on voit la grosse montée qui nous attend, pour passer au dessus de « l’Elgeyo Escarpment ». Globalement, on quitte un plateau pour en rejoindre un autre…(voi photo ci dessous, on doit monter en face)

Elgeyo Escarpment
Elgeyo Escarpment à franchir

Encore plus de 1200m de dénivelé environ à franchir, et les cuisses sont encore faiblardes de la veille. On prend une pause juste avant d’amorcer les 20 derniers km et la la grosse montée. Les KENYAN RIDERS nous croisent alors et s’arrêtent pour papoter. C’est l’équipe cycliste nationale qui est basée à Iten et qui fait sa petite sortie du matin. L’un d’eux nous dit être venu en France pour quelques courses mais nous n’arrivons pas à reconnaître les noms qu’il nous donne en français.

La route est encore très bonne, la circulation faible, le paysage est magnifique, les gens autour nous encourage… la montée se passe plus facilement que la veille.

Pause de bord de route
Les gens prennent des nouvelles pendant la pause

Nous atteignons alors Iten et son magnifique point de vue, parfait pour boire un coup. Iten, la ville des Champions. Là où les cyclistes Kenyans s’entraînent donc, mais aussi le lieu d’entraînement de tous les grands coureurs médaillés et des apprentis champions. Jean s’y sent bien (étonnant?), et on décide de prendre un jour de repos ici.

 

Vue pendant la montée
Vue pendant la montée
Vue depuis Iten
Vue depuis Iten
Amandine Written by:

De la garrigue et de l'accent qui chante au petit studio bellevillois, Des pas de samba aux affiches 4 par 3, Amandine sera la respo communication, la pharmacienne avisée. Lui revient également le choix des biscuits!

4 Comments

  1. Moumine
    14 February 2016

    Très contente de vous lire enfin !
    Votre voyage nous fait toujours autant rêver et les photos sont superbes .
    Continuez ainsi et très gros bisous à vous deux .

  2. Taeetii
    15 February 2016

    Plus de 2 x 1000m de dénivelé, avec les sacoches ?
    Tu ne ménages pas tes jolis mollets blancs mon incroyable Nanou….! ! !
    Belles rencontre qui font chaud au cœur et belle nature
    Un grand merci de prendre le temps de nous écrire, cela réchauffe nos cœurs.

  3. 16 February 2016

    B R A V O A M A N D I N E pour la performance physique et pour ce beau texte sensible qui nous projette directement dans l’ambiance, les enfants silencieux et qui s’enhardissent petit à petit, ce jeune Denis qui t’aide à passer le col et qui ne demande qu’à échanger quelques moments avec vous… Deviendra -t- il psychologue? Ça m’a touché et j’ai mis sa photo en fond d’écran!

    Je dois dire qu’à l’aéroport d’Alger pour notre retour en FRANCE et après un séjour sans carte ni plan dans des offices de tourisme poussiéreux et indigents, nous étions tombés sur une magnifique carte de l’Afrique en 3D et j’avais demandé à Jean de me montrer le début de votre parcours. La vue de ces fameux dénivelés dont tu parles m’avait un peu choqué et effrayé”!!!!!

    EN C O R E B R AV O!

  4. nab
    1 March 2016

    Item le paradis des coureurs de fond, Jean doit effectivement si sentir à l’aise 🙂
    Très joli texte on si croirait.
    Bonne continuation (je vais aussi continuer ma lecture de vos articles 😉 )

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